Le Temps des querelles

Qui fréquente un tant soit peu l’histoire de la vie culturelle de la première modernité ne peut manquer d’être frappé par l’abondance de disputes, querelles et controverses qui la traversent. Ainsi l’histoire culturelle la plus courante fera certainement mention de la querelle des Anciens et des Modernes, comme l’histoire littéraire de la querelle du Cid, l’histoire des Sciences et de la philosophie de la querelle du vide, celle des arts de la querelle du dessin et du coloris, et celle de la musique, de la querelle des Bouffons... La moindre observation un peu plus attentive suggère que ces exemples-là ne sont que quelques pointes émergentes d’un iceberg bien plus vaste. Et si certes il y a eu des querelles, disputes et controverses avant (ainsi la querelle des Universaux) et ensuite (ainsi la Bataille d’Hernani), il semble à tout le moins que l’activité disputante a été très intense durant la première modernité, que celle-ci fut un temps singulier de querelles.

Le choix engagé dans ce numéro a été de privilégier une problématique, celle de la création. D’une part, parce que les querelles jalonnent la création de formes et d’idées nouvelles ; d’autre part, parce que les querelles nourrissent la création (elles suscitent des textes) ; enfin, parce qu’elles créent de l’opinion et des façons de penser, suivant une logique contradictoire.

Les articles retenus se situent dans les domaines des lettres et de l’histoire, mais aussi de l’histoire du livre, de la philosophie et des gender studies, et portent principalement sur la France et la Grande- Bretagne. Ce numéro interdisciplinaire procède par des études précises de cas limités. Son plan range les différentes contributions selon deux types d’interrogations majeures, distinguant les contributions qui insistent sur les modalités textuelles de la querelle (« comment ils se sont disputés ? »), et celles qui mettent en lumières les enjeux de la querelle abordée (« pour quoi ils se sont disputés ? »).